
Des apports excessifs de nutriments (azote, phosphore) dans les eaux douces induisent un phénomène d’eutrophisation qui s’accompagne généralement d’un développement important d’algues et d’un appauvrissement de l’eau en oxygène, critique pour certains organismes aquatiques. Les cours d’eau touchés par ce phénomène risquent de ne pas atteindre le bon état écologique exigé par la directive-cadre sur l’eau (DCE) 2000/60/CE[1] q.
Les cours d’eau les plus eutrophes au nord du sillon Sambre-et-Meuse
Sur la période 2019 - 2024, les cours d’eau qui présentaient les teneurs les plus élevées en orthophosphates étaient principalement situés dans le bassin de l'Escaut[2]. Ce territoire présente une densité importante de zones urbanisées et industrielles (avec des rejets d'eaux usées plus importants) ainsi que de nombreux sols agricoles enrichis en phosphore et sensibles à l'érosion q. En outre, ces cours d'eau enregistrent des débits assez faibles q, ce qui renforce les impacts négatifs des apports en phosphore dans les cours d'eau.
Au regard des normes fixées pour les orthophosphates q, sur la période 2019 - 2024, 72 % de l’ensemble des 75 sites de contrôle[3] présentaient une eau de qualité[4] bonne à très bonne, 16 % une eau de qualité moyenne et 12 % une eau de qualité médiocre à mauvaise. Pour les sites du bassin de l'Escaut[2] (20 sites), plus impactés, ces proportions étaient respectivement de 45 %, 20 % et 35 %, tandis que pour ceux des bassins de la Meuse, du Rhin et de la Seine[5] (55 sites), elles étaient de 82 %, 15 % et 4 %.
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* Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année pour la période 2019 - 2024 (n = 75).
** Les limites des classes d’état pour le paramètre "orthophosphates" diffèrent selon la typologie des masses d’eau réparties en catégories 1 et 2 (AGW du 13/09/2012 q).
*** Moyenne des percentiles 90 annuels des concentrations sur la période 2019 - 2024.
Sur la période 2000 - 2024, la qualité de l’eau vis-à-vis du paramètre orthophosphate s’est légèrement améliorée en Wallonie. En effet, en considérant les sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année, le pourcentage de sites de contrôle avec une eau de qualité médiocre à mauvaise a été divisé par 2 selon la courbe de régression linéaire. Le pourcentage de sites de contrôle dont la qualité de l’eau est bonne à très bonne a quant à lui été multiplié par 1,2.
État* des cours d’eau selon la concentration en orthophosphates** en Wallonie***
* Les limites des classes d’état pour le paramètre “orthophosphates” diffèrent selon la typologie des masses d’eau (AGW du 13/09/2012 q).
** Percentile 90 annuel des concentrations.
*** Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année entre 2000 et 2024 (n = 42).
* Les limites des classes d’état pour le paramètre “orthophosphates” diffèrent selon la typologie des masses d’eau (AGW du 13/09/2012 q).
** Percentile 90 annuel des concentrations.
*** Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année entre 2000 et 2024 (n = 42).
Dans le bassin de l’Escaut, en considérant les sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année, le pourcentage de sites de contrôle avec eau de qualité médiocre à mauvaise a été divisé par 1,6 et celui avec une eau de qualité bonne à très bonne multiplié par 2 selon la courbe de régression linéaire.
État* des cours d’eau selon la concentration en orthophosphates** en Wallonie*** - bassin de l’Escaut
État* des cours d’eau selon la concentration en orthophosphates** en Wallonie*** - bassin de l’Escaut
* Les limites des classes d’état pour le paramètre “orthophosphates” diffèrent selon la typologie des masses d’eau (AGW du 13/09/2012 q).
** Percentile 90 annuel des concentrations.
*** Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année entre 2000 et 2024 (n = 11).
* Les limites des classes d’état pour le paramètre “orthophosphates” diffèrent selon la typologie des masses d’eau (AGW du 13/09/2012 q).
** Percentile 90 annuel des concentrations.
*** Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année entre 2000 et 2024 (n = 11).
Dans les bassins de la Meuse, du Rhin et de la Seine, en considérant les sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année, le pourcentage de sites de contrôle avec une eau de qualité bonne à très bonne a été multiplié par 1,1 selon la courbe de régression linéaire. L’évolution du pourcentage de sites avec une eau de qualité médiocre à mauvaise, inférieur à 4 % sauf en 2005, ne montre pas de tendance nette.
État* des cours d’eau selon la concentration en orthophosphates** en Wallonie*** - bassins de la Meuse, du Rhin et de la Seine
État* des cours d’eau selon la concentration en orthophosphates** en Wallonie*** - bassins de la Meuse, du Rhin et de la Seine
* Les limites des classes d’état pour le paramètre “orthophosphates” diffèrent selon la typologie des masses d’eau (AGW du 13/09/2012 q).
** Percentile 90 annuel des concentrations.
*** Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année entre 2000 et 2024 (n = 31).
* Les limites des classes d’état pour le paramètre “orthophosphates” diffèrent selon la typologie des masses d’eau (AGW du 13/09/2012 q).
** Percentile 90 annuel des concentrations.
*** Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année entre 2000 et 2024 (n = 31).
En termes de concentrations moyennes, dont le suivi n'est pas imposé par la règlementation wallonne mais fait partie des indicateurs suivis par l'Agence européenne pour l'environnement q, d'autres évolutions sont observées. Sur la période 2000 - 2024, les concentrations moyennes en orthophosphates ont diminué en Wallonie (- 30 % selon la courbe de régression linéaire). Des baisses comparables ont également été enregistrées dans le bassin de l’Escaut (- 27 %) ainsi que dans ceux de la Meuse, du Rhin et de la Seine (- 30 %). L’amélioration relative constatée en 2021, 2023 et 2024, s’expliquerait en partie par des années très humides q qui auraient permis une dilution des pollutions. De même, les hausses de concentration en 2009, 2017 et 2020 pourraient s’expliquer par des précipitations annuelles moins importantes q. Par ailleurs, les concentrations moyennes en orthophosphates étaient environ 3 à 4,5 fois plus élevées dans le bassin de l’Escaut que dans les bassins de la Meuse, du Rhin et de la Seine.
Concentration moyenne en orthophosphates dans les cours d'eau en Wallonie*
*Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année entre 2000 et 2024 (n = 42).
*Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année entre 2000 et 2024 (n = 42).
Une légère amélioration caractérisée par des variations interannuelles
Divers facteurs ont permis de réduire les apports d’orthophosphates aux cours d’eau ces dernières décennies :
- la réduction des apports d'engrais phosphatés en agriculture (- 77 % entre 1995 et 2023) q ;
- la baisse des flux de phosphore vers les eaux de surface (- 46 % entre les périodes 1981 - 1985 et 2016 - 2020) q ;
- la réduction des charges polluantes domestiques, suite notamment à l’interdiction des phosphates dans les détergents pour machine à laver depuis 2003 en Belgique q (depuis 2013 en Europe[6]) et dans les détergents pour lave-vaisselle depuis 2017 partout en Europe[6][7] ;
- la mise en conformité des stations d’épuration collectives pour le traitement tertiaire (dénitrification et déphosphatation), obligatoire depuis 1998 en Wallonie pour les stations d’une capacité de plus de 10 000 équivalents-habitants[8] et achevée en 2013 ou encore la construction de nouvelles stations d’épuration collectives et individuelles q.
Des variations interannuelles sont cependant observées et sont surtout liées à :
- l’augmentation des débits des cours d’eau certaines années (2013 et 2021 p. ex.) qui a pour effet de diminuer la concentration en phosphates ;
- la diminution des débits certaines années sèches (2017 p. ex.) qui a pour effet d’augmenter la concentration en phosphates ;
- des apports diffus (ruissellement, particules de sol érodé q plus importants les années pluvieuses, en particulier au nord du sillon Sambre-et-Meuse où les taux de saturation des sols en phosphore sont plus élevés (apports d’engrais).
La mise en œuvre des mesures listées dans les Plans de gestion des districts hydrographiques (PGDH) 2009 - 2015 et 2016 - 2021[9] et certaines mesures du Programme de gestion durable de l’azote en agriculture (PGDA)[10] ont pu également contribuer à l’amélioration observée. Ces mesures ont été renforcées au moyen des troisièmes PGDH 2022 - 2027[11] et des programmes de mesures associés, en particulier les mesures liées à l’assainissement des eaux usées ou encore la mise en place d’un couvert végétal permanent d’une largeur de 6 m en bordure de cours d’eau depuis le 01/10/2021 afin de diminuer le ruissellement vers les eaux de surface q. Des mesures sont également prévues dans le Plan stratégique wallon relatif à la PAC 2023 - 2027 q, notamment pour répondre à l’objectif européen de réduction d'au moins 50 % des pertes en nutriments d'ici 2030[12][13]. À noter en particulier, le renforcement et/ou l’ajout de certaines normes de conditionnalité comme la nouvelle exigence règlementaire en matière de gestion (ERMG) intitulée "Contrôle de sources diffuses de pollution par les phosphates" ou encore la mise en place des "éco-régimes"[14].
[1] La DCE q est en cours de révision (projet de refonte adopté par le Parlement européen le 24/04/24 q).
[2] Sous-bassins de l’Escaut : Dendre, Dyle-Gette, Escaut-Lys, Haine, Senne.
[3] Sites de contrôle pour lesquels les données sont disponibles chaque année entre 2019 et 2024.
[4] Pour chaque site de contrôle, la qualité est évaluée sur base de la moyenne des percentiles 90 annuels des concentrations qui y ont été mesurées pour les années 2019 à 2024.
[5] Sous-bassins de la Meuse : Amblève, Lesse, Meuse amont, Meuse aval, Ourthe, Sambre, Chemois-Chiers, Vesdre ; sous-bassin du Rhin : Moselle ; sous-bassin de la Seine : Oise.
[6] Hors détergents pour machine à laver à usage industriel (blanchisseries, hôtels, hôpitaux…) ou pour lave-vaisselles automatiques à usage professionnel ou industriel (règlement (UE) N°259/2012 q).
[7] Le règlement (UE) N°648/2004 q relatif aux détergents est en cours de révision q. Les États membres ont introduit une clause de réexamen pour évaluer l’opportunité de réduire la teneur en phosphates et autres composés du phosphore de certaines catégories de détergents, dans le but de limiter leur impact environnemental.
[8] L'équivalent-habitant (EH) est une notion théorique qui exprime la charge polluante d’un effluent généré en moyenne par habitant et par jour. Un EH correspond à un rejet moyen journalier de 180 l d'effluent présentant une charge de 90 g de matières en suspension (MES), 60 g de demande biochimique en oxygène en 5 jours (DBO5), 135 g de demande chimique en oxygène (DCO), 9,9 g d'azote total et 2 g de phosphore total.
[9] Voir les Plans de gestion des districts hydrographiques 2009 - 2015 q et 2016 - 2021 q et la fiche d'indicateurs "Plans de gestion des districts hydrographiques" q.
[10] PGDA IV d’application depuis le 15/04/2023. Voir art. R.188. à R.232. du Code de l’eau q et la fiche d’indicateurs "Programme de gestion durable de l’azote en agriculture" q.
[11] Voir les Plans de gestion des districts hydrographiques 2022 - 2027 q adoptés le 13/07/2023.
[12] Stratégie européenne "De la ferme à la table". q
[13] Plan d’action de l’UE : "Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols". q
[14] Les éco-régimes sont une nouveauté de la réforme de la PAC 2023 - 2027 visant à accompagner la transition agroécologique. Ils constituent une aide au revenu dans le cadre du 1er pilier, mise en place pour rémunérer les services environnementaux rendus par les agriculteurs et conditionnée à la mise en œuvre de pratiques en faveur de l'environnement. Parmi les différents éco-régimes, certains sont susceptibles d’avoir un impact plus direct sur la réduction des pertes en nutriments: "Cultures favorables à l’environnement" (diversification des cultures et mise en place de cultures plus résistantes aux aléas climatiques et exigeant moins d’intrants), "Couverture longue du sol" (mise en place d’intercultures), "Prairies permanentes conditionnées à la charge en bétail" (maintien des prairies permanentes et diminution de la charge en bétail) et "Réduction d’intrants".
Évaluation
Etat légèrement défavorable et tendance globalement stable
- Référentiel : Code de l’eau - normes de l’AGW du 13/09/2012 q (percentile 90 annuel des concentrations).
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Au regard des normes, sur la période 2019 - 2024, 72 % de l’ensemble des 75 sites de contrôle présentaient une eau de qualité bonne à très bonne. La proportion de l’ensemble des sites de contrôle où les concentrations en orthophosphates indiquaient une eau de qualité médiocre à mauvaise était de 12 %.
Entre 2000 et 2024, le pourcentage de sites de contrôle (pour lesquels des données sont disponibles chaque année) avec une eau de qualité médiocre à mauvaise a été divisé par 2. Le pourcentage de sites de contrôle dont la qualité de l’eau est bonne à très bonne a été multiplié par 1,2. Par ailleurs, sur la période 2000 - 2024, les concentrations moyennes en orthophosphates ont diminué de 30 % en Wallonie selon la courbe de régression linéaire.
Évaluation
